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Quand une promotion devient le début d’une descente

  • Aliénor Escolivet
  • 22 oct.
  • 5 min de lecture

Camille travaille depuis 3 ans dans le service. Performante, fiable, appréciée.


Quand le poste de manager se libère, la Direction pense immédiatement à elle. Bon relationnel, expertise métier, profil rassurant. Sur le papier, elle coche toutes les cases.


Au départ, Camille hésite. Elle n’aurait jamais imaginé occuper un tel poste. Dans sa tête, Thomas, son binôme, semblait bien plus calibré pour ça : ambitieux, sûr de lui, à l’aise avec les codes.

Mais c’est bien elle qu’on choisit. Thomas la félicite, sincèrement semble-t-il.


Au début, tout va bien. Camille prend ses marques, cherche à être juste, à écouter, à équilibrer les besoins de chacun. Et puis quelque chose se fissure.


Le début du glissement


Thomas devient plus distant. Camille se dit que c’est normal : il lui faut du temps pour s’ajuster à sa nouvelle position.

Jusqu’au jour où tombe la première pique, en réunion :

"C’est n’importe quoi ces deadlines, on ne tiendra jamais."


Camille encaisse. Il a sans doute raison. Elle a peut-être sous-estimé la charge.


Puis d’autres remarques viennent, plus subtiles, plus fréquentes :


"Tu ne dois pas connaître, on ne voit ça que dans les écoles de commerce".

" C'est facile d’être promue quand on a les bons dossiers."

"Tout le monde n'est pas fait pour être manager."


Camille sourit, désamorce, tente d’apaiser. Elle ne veut pas faire de vagues. Mais quelque chose se casse.


Les fichiers arrivent en retard, certaines infos ne circulent plus, les réunions deviennent tendues. L’équipe commence à douter. Et Camille doute aussi. Elle se demande si elle n’est pas, finalement, une erreur de casting.


Les signaux faibles sont là. Invisibles, car pris isolément.


Et c’est souvent à ce moment que tout se joue : quand les premiers déséquilibres sont perçus comme de simples ajustements, et non comme des alertes.


L’entreprise rationalise


Le N+2 la convoque :


"On a des retours sur des dysfonctionnements dans ton équipe. On va suivre ça de plus près, d’accord ?"


Camille accepte. Soulagée. Peut-être qu’on va enfin la soutenir.


Mais le contrôle s’intensifie. Chaque incident devient une preuve de son incapacité à tenir le rôle. On lui retire progressivement ses projets. On "l’allège" de certaines missions. On l’isole "pour l’aider à se concentrer sur l’opérationnel".


Les échanges passent par mail. Les regards se détournent. Les conversations cessent à son arrivée.


Camille se lève chaque matin avec la boule au ventre. Elle songe à partir.


Jusqu’à ce qu’un jour, elle craque en réunion, exigeant de comprendre ce qu’elle a fait de mal. Silence. Regards fuyants. Elle quitte la salle. On la qualifie d’instable. D'hystérique.


La Direction lui conseille vivement de consulter un médecin.


Camille est en arrêt depuis 6 mois.


Thomas assure désormais le management de transition.


Et Lucas, la dernière recrue, commence à se sentir stressé. Thomas lui change brutalement ses missions. Lucas perd ses repères.


"C’est sûrement la pression du poste", se dit-il.



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Ce qu’on voit en surface


Quelques tensions relationnelles, un retard de projet, un management qui réagit vite.


Rien d’illégal, rien de spectaculaire. Rien qui justifie une alerte formelle.


Juste, à première vue, une promotion mal vécue, une collaboratrice fragile, un échec de management.


Pris un à un, les faits paraissent mineurs, isolés, presque normaux :


Une remarque en réunion.

Un dossier en retard.

Un reporting rapproché.

Un éclat émotionnel.


Mais c’est justement cette fragmentation qui neutralise l’alerte.


Et chacun rationalise :


"Ce n’est qu’une pique." "Thomas nous l’avait dit, elle est susceptible." "Un manager sous pression, c'est normal." "Elle a craqué, elle était trop fragile."

La Direction voit une succession d’incidents, mais la dynamique globale est hors-de-portée.



Ce que révèle la lecture dynamique


Quand on relie les faits dans le temps, l’espace et les interactions, un autre tableau émerge :


Spatialement : Camille, promue, quitte le bureau collectif pour un espace en retrait. Son bureau devient un lieu d’isolement tandis que la machine à café devient un foyer d’influence.


Temporellement : l’accumulation lente d’incidents anodins masque la construction progressive d’un harcèlement. Seule une relecture chronologique permet de comprendre comment la dynamique s’installe.


Relationnellement : la situation s’alimente de mécanismes classiques : alliances, rivalités, recherche de pouvoir, insécurité, loyauté déplacée.


Organisationnellement : la réponse de l’entreprise (renforcement du contrôle, reportings, isolement) amplifie le problème au lieu de le réguler.


Thomas n’est pas forcément malveillant. Il agit peut-être sous l’effet d’un déséquilibre, d’un besoin de reconnaissance frustré ou d’un flou dans la répartition des rôles. Mais sans régulation managériale claire, ces comportements dysfonctionnels ne sont pas cadrés et ces tensions se transforment en mécanismes de disqualification et d'isolement.



Pourquoi l’entreprise minimise


Parce qu’elle regarde la fin de l’histoire, l’explosion, l’arrêt maladie, sans remonter le fil. Et tire des conclusions rassurantes :


"Elle n’a pas su s’imposer." "Elle n’avait pas les épaules." "Elle ne gérait pas la pression."

Ces explications sont commodes : elles transforment un problème collectif en faiblesse individuelle.


Mais elles laissent le mécanisme de harcèlement prospérer.



Le cadre légal du harcèlement moral



Article L1152-1 du Code du travail :

« Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel. »

Article 222-33-2 du Code pénal :

« Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail.

La responsabilité peut être engagée :


  • Pour l’auteur, au titre des agissements répétés (intentionnels ou non).

  • Pour l’employeur, au titre du manquement à son obligation de sécurité (article L4121-1 du Code du travail) s’il n’a pas mis en œuvre les moyens de prévention, d’alerte et d’action adéquats.



Comment j’interviens dans ce type de situation


Mon rôle n’est pas de distribuer les bons et les mauvais points, mais de mettre de la lumière dans ce brouillard :


Je cartographie les faits : dans leur chronologie, leurs lieux, leurs interactions. J’analyse la dynamique relationnelle et systémique pour comprendre comment le mécanisme s’est mis en place.


Je nomme ce qui se joue : jalousie, rivalité, désaveu implicite, isolement progressif, dans un langage compréhensible et juridiquement solide.


Je sécurise la personne ciblée, pour qu’elle retrouve ses repères, comprenne ce qui s'est passé et reprenne du pouvoir d’agir.


J’implique le collectif : régulation d’équipe, clarification des rôles, soutien du management.


Et j’accompagne l’organisation pour transformer la crise en levier d’apprentissage, de prévention et de maturité managériale.


Mon approche, fondée sur ma double expertise de psychologue victimologue et de professionnelle RH, relie les dimensions psychologiques, relationnelles et organisationnelles. Elle permet de restaurer un cadre de travail sain, d’éviter la reproduction des mécanismes, et de remettre le système en mouvement.


Derrière chaque "échec individuel" se cache souvent une dynamique collective non régulée. Intervenir, ce n’est pas chercher un coupable, c’est restaurer la circulation, le sens et la cohérence d’un système qui s’est déréglé.


Découvrez mes accompagnements


  • Conseil

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